Un hommage à Jean Glibert par Cécile Vandernoot
"Faire confiance à l’abstraction et à la puissance des couleurs pour modifier subtilement, ponctuellement ou radicalement les conditions de rapports à l’espace. « La peinture est un bien collectif », écrit Jean Glibert sur le carton d’invitation de sa première exposition qui se tient dans un parking bruxellois. Avec générosité et un profond humanisme, son travail s’oriente très vite vers les lieux où l'on circule, où l'on travaille, où l'on habite. Traverser une cour de récréation, emprunter un escalier, attendre un métro, s’installer dans un auditoire, franchir des voies ferrées, conduire une voiture, longer un trottoir ou s’asseoir sur un banc : des actions du quotidien qui s’éveillent avec la présence de couleurs, qui affutent le regard et l’orientent, révèlent du contexte une spécificité – un relief, une direction, une géométrie, un usage passé ou tout son potentiel.
Cherchant avec méthode et ténacité, avec le plaisir du travail régulier, il n’a jamais cessé de remettre son ouvrage sur le métier. Il a fait de l’exploration des matières et des rapports entre couleurs une pratique rigoureuse, appliquée autant à ses projets personnels qu’à ceux qui réunissent de larges équipes de conception. La complicité avec architectes et ingénieurs a mené à de très nombreuses sollicitations et un travail collaboratif qu’il trouvait intéressant d’entamer dès la conception des projets. Il a grandement participé à faire bouger les lignes en réduisant la distance entre le travail d'artiste et les métiers du bâtiment. Jean Glibert lègue un immense travail artistique – plus de 200 interventions – à aller voir et revoir.
En novembre 2023, il nous a accueillis dans son atelier à Ixelles, pour une interview dans le cadre de l’action Sous Influence de l’ICA-WB. Il y prend le temps de partager les rencontres qui l’ont marqué, depuis ses années de jeune étudiant à La Cambre dans l’atelier Peinture monumentale, mentionnant avec retenue l’enseignement de Paul Delvaux pour expliquer avec malice comme il était plaisant d’aller voir ce qui se passait ailleurs, dans l’atelier de Marc Mendelson ou en architecture, avec Victor Bourgeois puis Marcel Pesleux. Par choix, il a fait l’impasse d’aborder ses années d’enseignement (1975-1995) pour se concentrer sur des aventures humaines qui l’ont mené à contribuer à l’architecture et au paysage urbain en Belgique, comme nul autre artiste ne l’a fait avec autant d’impact et d’humilité."
Cécile Vandernoot